Avec 177 euros en licence, 245 euros en master et de 359 à 372 euros en doctorat pour l’année 2011-2012, les droits universitaires français représentent des montants qui sont bien loin de ce que connaissent de plus en plus d'étudiants dans le monde, et notamment dans les pays anglo-saxons. Pour autant, leur augmentation (à la prochaine rentrée elle sera de +1,7% pour la licence soit 3 € ) n'en provoque pas moins toujours une levée de boucliers de la plupart des organisations syndicales étudiantes.
Un tabou majeur
Relevant que « l’accès gratuit aux études universitaires a beau constituer un tabou majeur », Pierre-André Chiappori, professeur d'économie à l'université américaine de Columbia, n’en dit pas moins que « sa remise en cause paraît inéluctable à moyen terme » dans une étude. Intitulée « Réforme de l’enseignement supérieur : quelle place pour les entreprises ? », elle est publié par l’Institut de l’entreprise, un centre de réflexion créé par une trentaine de grandes entreprises françaises comme Air France ou GDF Suez.
Son principal argument ? : « En l’état actuel, cette mesure a un effet redistributif au mieux très faible, au pire négatif – puisque, financée par l’impôt commun, elle bénéficie surtout aux enfants issus des classes moyennes supérieures ». Et le professeur Chiappori de constater qu’elle constitue « un handicap énorme pour les établissements français, les privant de ressources considérables ». Or seules quelques universités bénéficiant du statut dérogatoire de« grand établissement », comme Sciences Po Paris ou l’université Paris-Dauphine (pour certains masters), ont aujourd'hui franchi le pas de la revalorisation de leurs frais d'inscription.
L’exemple américain est-il à suivre ?
Alors bien sûr, le rapport reprend l’exemple américain : « Au lieu d’offrir gratuitement à tous un service qui profite surtout aux plus aisés, une logique redistributive bien comprise supposerait le paiement, par la grande majorité des étudiants issus de classes favorisées, de frais de scolarité significatifs – assortis, le cas échéant, de possibilités d’emprunts à taux privilégiés –, conjugué à une dispense au-dessous d’un certain seuil de ressources familiales, et à un système de bourses beaucoup plus développé qu’aujourd’hui pour les étudiants issus de milieux réellement défavorisés ». Et de noter que « dans les grandes universités privées américaines, environ un tiers du total brut des frais de scolarité est redistribué de cette façon aux étudiants issus de milieux modestes ».
Oui mais le système fonctionne tant que le gouvernement américain, ou les grandes fondations des universités privées, a les moyens de mettre suffisamment d’argent pour permettre à tous d’intégrer les universités : la redistribution ne suffit pas ! On voit d'ailleurs qu’aujourd'hui le système dérape avec des droits d’inscription en forte hausse qui empêchent beaucoup de jeunes Américains de s’inscrire à l’université. En moyenne, les droits de scolarités sont ainsi de 19 600 $ par an (14 350 €) dans les universités publiques et de 27 200$ par an (20 000 €) dans les universités privées. Des montants que les aides, que touchent effectivement souvent les 3/4 des étudiants, sont loin de ramener au niveau de la France !
Résultat, et même si les community colleges - qui proposent des formations proches de nos BTS et DUT) - permettent de scolariser les moins favorisés à moindre coût (2700 $ par an soit 2000 €), de plus en plus de jeunes Américains sont exclus de l’excellence. Quant à ceux qui vont dans les universités, ils s'arrêtent très souvent au niveau bachelor (bac+4), le temps de mettre de l'argent de côté en travaillant avant de se réinscrire en master plus tard.
Comment être certains que le même phénomène ne se produirait pas en France si l’université était demain soumise à un système où le payement de frais élevés est la règle et les bourses le système dérogatoire ?
Faire payer plus cher les étudiants étrangers ?
Dans le même rapport, le professeur Chiappori regrette également que les étudiants étrangers ne se voient pas imposer des droits d’inscription supérieurs aux Français : « Que les établissements français consacrent une part non négligeable de ressources largement insuffisantes à former gratuitement des dizaines de milliers d’étudiants chinois dépasse l’entendement – d’autant que rien ne garantit que ces étudiants soient d’un niveau particulièrement élevé ». Et là de prendre l’exemple britannique, « où le gouvernement a choisi depuis longtemps une voie rigoureusement inverse ».
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche signalait d’ailleurs dans une circulaire que « des contributions particulières peuvent être demandées aux étudiants étrangers (…) compte tenu des prestations supplémentaires mises en place par l'établissement, notamment liées aux aménagements spécifiques d'enseignement et aux prestations spécifiques d'accueil, au tutorat et au soutien pédagogique. »
Oui mais recevoir des étudiants étrangers est aussi un investissement en termes de rayonnement international pour la France. « Une fois de retour dans son pays l’étudiant devenu professeur reproduit le modèle qui lui a été inculqué lors de ses études », rappelait Lionel Collet, alors président de la Conférence des présidents d’université (CPU), devant le congrès de la CGE (Conférence des Grandes écoles) consacré aux relations internationales l’année dernière. En cela insistait-il « se joue rien de moins que le rayonnement de la France ». De beaux débats en perspective en tout cas...
15 juillet 2011
Universités : qui veut des droits de scolarité à l’américaine? | Il y a une vie après le bac !
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