Comme dans le reste du monde, et peut-être plus qu’ailleurs, l’Allemagne ne parle que de ça. L’accident nucléaire de Fukushima a remis les antinucléaires allemands sur le devant de la scène. Confortés dans leurs positions, ils se félicitent d’avoir quelque peu prédit l’avenir. Au diapason des mouvements sociaux des années quatre-vingt, ils déclarent plus que jamais s’engager pour un devenir plus humaniste de notre planète et pensent dur comme fer détenir une vérité qu’ils martèlent depuis près de trente-cinq ans.L’histoire vient en effet de leur donner partiellement raison. L’accident nucléaire japonais a non seulement confirmé leurs thèses mais aussi ébranlé la chancelière qui malencontreusement était revenue en octobre 2009 sur l’une des mesures phares de la coalition rouge-verte conduite par Gerhard Schröder. Cédant aux lobbies de l’industrie nucléaire et à ses alliés libéraux, Angela Merkel avait alors eu la fort mauvaise idée de remettre en cause la fin progressive et définitive des centrales atomiques. Aujourd’hui, victime de sa propre mauvaise décision, elle essaye de corriger le tir par l’instauration d’un moratoire et par celle d’un arrêt provisoire des sept plus vieilles centrales allemandes. Obligée de naviguer à vue, elle essaye de contenir les critiques qui lui sont adressées de toutes parts, essayant bon an mal an de limiter les dégâts électoraux que la CDU pourrait subir lors des scrutins régionaux prévus dès ce dimanche en Saxe-Anhalt et, plus encore une semaine plus tard, en Rhénanie-Palatinat et surtout dans le bastion chrétien-démocrate du Bade-Wurtemberg.
Pas au mieux sur le plan intérieur, Angela Merkel n’est pourtant guère attaquée pour sa politique extérieure. Exception faite de la présence militaire en Afghanistan, la politique étrangère allemande est devenue plus consensuelle qu’elle ne le fut par le passé. Aux avant-postes lors de la crise de l’euro, la chancelière a bénéficié du soutien de la grande majorité de ses compatriotes. Contrairement à d’autres Européens, les Allemands ont surtout salué l’intransigeance qu’Angela Merkel a manifestée à l’égard du gouvernement grec. Idem pour son hostilité face à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, pourtant soutenue avec force et conviction par l’ancien Ministre des Affaires Étrangères, Joschka Fischer, qui en avait fait l’un de ses principaux chevaux de bataille.
Aujourd’hui, consciente de ses nouvelles responsabilités et affranchie de certaines contraintes historiques, la politique étrangère allemande est identique à celle de ses principaux partenaires. En effet, elle n’est guidée que par une seule raison d’être, à savoir celle de la défense exclusive de ses intérêts nationaux à travers le monde. Dorénavant, Berlin ne se soucie ni de morale, ni de vertu. Pire, l’Allemagne s’en éloigne de plus en plus. L’attitude du gouvernement fédéral face à la crise libyenne vient malheureusement d’en apporter une preuve flagrante. Sous couvert d’un pacifisme aussi hypocrite que trompeur, Angela Merkel et son Ministre des Affaires Étrangères Guido Westerwelle ont signalé au reste de l’Europe que l’Allemagne de 2011 préfère encore, selon certaines circonstances, les dictateurs aux démocrates arabes. En opposition directe avec David Cameron et Nicolas Sarkozy, pourtant politiquement du même bord qu’elle, la chancelière n’a pas eu le courage stratégique et la grandeur intellectuelle de s’opposer à Kadhafi comme devrait le faire tout démocrate digne de ce nom. Bref, à l’heure où il fallait être 100% aux côtés de la population libyenne, Angela Merkel a démontré qu’elle est, encore plus que ne l’est Silvio Berlusconi, la moins téméraire des grands dirigeants ouest-européens. Personne ne peut s’en féliciter, ni la communauté internationale, ni l’Union européenne et encore moins les Allemands.
Il ne faut pas être devin pour expliquer cette position allemande. Plus que jamais la RFA mélange ses intérêts économiques et commerciaux avec ses intérêts politiques et stratégiques. Historiquement libre de tout engagement culturel et moral envers l’Afrique du Nord, cette région du monde lui sert d’abord de marché. Elle y vend, elle s’y implante, elle s’y déploie. Quant à la politique, elle n’intervient pas pour l’Allemagne, tant son intervention pourrait nuire à ses affaires et à ceux de ses clients. Ce n’est pas très reluisant, mais tout simplement et outrageusement réaliste. Et quand de surcroît un autre événement, aussi important que celui d’un accident dans une centrale nucléaire, vient élucider l’actualité et le meurtre de milliers d’insurgés, c’est tout bénéfice pour une République fédérale qui n’en demandait pas tant. C’est là du cynisme politique dans ce qu’il a de plus révoltant !
Mais cynisme ou pas, la RFA vient toutefois de subir un grave revers diplomatique à l’ONU. Et ce n’est que mérité ! En s’abstenant lors du vote de la résolution 1973, elle n’a pas su, pire, elle n’a pas voulu choisir entre la dictature et la démocratie. Sa chancelière n’a jamais été à la hauteur de l’événement et de sa fonction politique et internationale. En réalité, elle n’a fait que ressusciter ce que les alliés craignent le plus : les incertitudes allemandes.
Finalement une petite bonne femme sans envergure. Son rêve faire de l'allemagne une seconde suisse.