Les Diafoirus qui s'agitent au chevet de l'hôpital public ont inventé des cautères qui s'appellent nouvelle gouvernance, tarification à l'activité, pôles, contrats d'objectifs et de moyens... Pourtant, point de bon remède sans un diagnostic de la maladie causale ; nous en avons identifié trois.
La première est bien paradoxale : c'est le progrès technologique. Les nouvelles techniques d'imagerie, les tests biologiques utilisés sans réflexion clinique préalable génèrent des milliers de "faux positifs". Nous passons notre temps à explorer de fausses anomalies, à demander d'autres examens coûteux et d'accès difficile (ce qui rallonge la durée d'hospitalisation) pour finalement ne découvrir que ce que nous avons baptisé "incidentalome" : une simple variation de la normalité - liée à l'excellente sensibilité - et la faible spécificité des tests diagnostiques modernes, variation qui ne correspond donc à aucune pathologie.
Ainsi, dans certains centres, plus de 30 % des examens d'imagerie concluent par "à confirmer par un autre examen d'imagerie" ; 40 % des femmes suivant scrupuleusement les recommandations pour le dépistage du cancer du sein auront au moins une fois dans leur vie une mammographie suspecte de cancer, mais faussement positive. Les chirurgiens, les radiologues interventionnels aiment les nouveaux appareils plus rapides, plus précis, plus faciles d'usage, mais chacun coûte quelques millions d'euros, et beaucoup n'ont jamais été évalués en termes de service médical rendu pour le patient.
Les jeunes générations de médecins, celles de l'image et des nouvelles technologies, croient aveuglément aux chiffres et aux écrans. Nous devons les éduquer à ne prescrire que les examens adaptés à la situation clinique du malade et à avoir une analyse critique des résultats.
La deuxième maladie est structurelle : c'est le protectionnisme corporatiste. Trop de conseillers, d'hommes politiques, de directeurs, d'élus, de mandarins, pensent à leur intérêt personnel plutôt qu'aux besoins de santé publique. Le maintien de trop petites structures, les moyens anormaux alloués à certaines maladies médiatisées ou à forte symbolique, l'hyperspécialisation, l'opposition systématique à chaque projet de regroupement, ainsi que la médiocrité de ces projets, l'impossibilité de faire évoluer certaines structures non plus vers ce qu'on a envie de faire mais vers ce dont la population à besoin sont autant d'obstacles à un hôpital efficace et répondant à ses missions sanitaires.
La troisième maladie est organisationnelle : c'est la gestion du temps de travail. Il est devenu impossible de faire cohabiter des médecins qui ont une mission de soins et ne quitteront l'hôpital que lorsque celle-là sera accomplie avec des médecins qui viennent assurer un certain temps de travail, de garde, de vacation sur un travail posté et qui refusent d'adapter leur temps hospitalier aux besoins, forcément fluctuants, des malades.
Les sirènes du privé, une perte de vocation, un salaire peu incitatif mais aussi une légitime demande de modalités d'exercice décentes rendent certaines spécialités médicales hospitalières sinistrées et retentissent également sur la qualité des soins donnés aux malades et sur les conditions de travail des autres spécialités.
Cette troisième maladie associée à la première et à la déviance sécuritaire du dramatique "principe de précaution" qui incite à demander sans réserve trop d'examens, trop d'avis pour trop de malades, a des conséquences dramatiques pour l'hôpital en termes financiers et en termes de rallongement de la durée d'hospitalisation.
Finalement, les remèdes pourraient être simples : imposer aux nouvelles technologies une véritable évaluation clinique de l'intérêt supplémentaire apporté dans la prise en charge des malades et former les médecins, mais aussi les malades, à leur usage raisonné comme à l'analyse critique de leurs résultats ; réussir à faire comprendre qu'il faut aimer ce que l'on fait et non faire ce que l'on aime en acceptant les restructurations légitimes (sur ce point le rôle des agences régionales de santé est capital : succès assuré si les réformes sont médicalement raisonnées, conflit garanti si les décisions sont purement comptables).
Enfin, il faut revenir à une vision moins égoïste de son métier pour redonner sa richesse et sa reconnaissance à la fonction de médecin hospitalier.