Dans « Qui a tué l'écologie ? », Fabrice Nicolino raconte la descente aux enfers des associations embarquées dans « l'entourloupe » du Grenelle de l'environnement – avec humour pour rendre la pilule moins amère. Y compris pour lui, l'écologiste de la première heure révulsé par les écolos officiels.
Son livre, plein de révélations détonnantes, se lit comme un polar. Suspense : que peut-on encore apprendre du bilan du Grenelle de l'environnement, maintes fois tiré ? « Qui a tué l'écologie ? », publié le 16 mars au éditions Les Liens qui libèrent, conte l'histoire d'un banquet républicain et mondain, qui est en fait une grande farce.
Un constat pour commencer :
« Quarante ans après la naissance de ces associations, la destruction de la planète n'a pas reculé, au contraire. »
En s'engageant dans la co-gestion avec l'Etat, les ONG sont complices de ce – piteux – bilan.
Les zooms sur les principaux acteurs sont autant de flèches cruelles. Dans sa ligne de mire, les ministres Borloo, Jouanno, Kosciusko-Morizet, et les quatre ONG que sont Greenpeace, WWF, la Fondation Nicolas Hulot et France nature environnement devenues des « appendices de l'appareil d'Etat et de cette vaste machine industrielle qui détruit le monde à sa racine ».
L'auteur de « Bidoche » se dit « triste – qu'on le croie ou non – d'avoir à moquer des gens pour qui, au fond, [il a] de l'estime ». (Voir la vidéo)
Le journaliste indépendant, très mobilisé contre les gaz de schiste, regrette aussi l'absence notable de ces grandes associations dans cette lutte qui a pris son essor de façon spontanée, comme dans le Larzac.
« Ce Grenelle a été une entourloupe »
Quand on lui demande si le Grenelle de l'environnement, sur le principe, n'a pas des raisons d'être défendu, Fabrice Nicolino est radical :
« Le Grenelle est absurde parce que franchouillard. D'emblée, la bande des quatre a accepté que l'Etat et les intérêts industriels qui lui sont liés dictent le cadre même du Grenelle.
Les questions cruciales ont été effacées de l'ordre du jour : le nucléaire (logique, Sarkozy était alors en train de vendre des centrales au Libyen Kadhafi), les biocarburants, l'eau, les OGM, les nanotechnologies, les téléphones portables… Tout ça est de la frime, du faux-semblant, vise à enfumer l'opinion publique. Ce Grenelle a été une entourloupe. »
Quant au CV des ministres, le journaliste nous rappelle que NKM est surtout mue par son ambition de devenir un jour chef de l'Etat, ce qui lui a valu de faire censurer le livre de son mari, jugé « subversif ».
« Nul besoin d'être cruel après tant d'autoflagellation », écrit-il à propos de Chantal Jouanno, qui en avril 2007, au QG de Nicolas Sarkozy candidat à l'élection présidentielle, présentait son champ d'action.
Comme l'explique ici la future secrétaire d'Etat à l'Ecologie, son truc, c'est « tous les publics qui comptent et qui ont des préoccupations spécifiques [chasseurs, boulangers, pharmaciens, etc. ndlr] ». (Voir la vidéo. « Défense de rire », prévient le journaliste)
WWF a flirté avec l'apartheid
On apprend dans ce livre que l'association World Wildlife Fund (Fonds mondial pour la nature, WWF), née en 1961, a été « créée par des notables britanniques dont la motivation était de pouvoir continuer à chasser le grand gibier sauvage en Afrique ». Et surtout que son mode de financement a été monté par Anton Rupert, un des hommes clés du système de l'apartheid en Afrique du Sud. Découvrir cela fut le plus grand choc de cette enquête. (voir la vidéo)
Ce péché originel pourrait être éventuellement oublié. Mais, aujourd'hui encore :
« Le WWF est si proche des intérêts des transnationales qu'il a accepté de siéger dans des tables rondes avec les industries les pires de la planète pour créer des labels industriels soutenables, sur le soja, les biocarburants ou encore l'huile de palme. »
Greenpeace « à la mode Staline »
Greenpeace, l'ONG du Rainbow Warrior est devenue « une petite entreprise capitaliste comme une autre ». Son directeur général, Pascal Husting, se vante officiellement dans un article du Nouvel Economiste d'avoir mis à la porte la moitié des salariés et qu'aucun n'ait gagné son procès aux prud'hommes.
Chez Greenpeace, les campagnes sont décidées au niveau international, au nom d'une sorte de « centralisme démocratique à la mode Staline ».
Nicolino souligne en passant que l'association a servi de tremplin aux ambitieux qui visaient un siège de député européen. Comme Robert Lion, ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignations, devenu président de Greenpeace, avant de se faire élire sur les listes d'Europe Ecologie aux élections régionales de 2009.
Nicolas Hulot ? « Un boy-scout qui nous fait perdre du temps »
Après avoir vanté la « sincérité » de cet homme qu'il a longtemps défendu dans ces milieux de gauche ou écolo, alors qu'il était moqué comme le personnage de TF1 et de Rhône-Poulenc, le journaliste dresse un bilan réaliste.
Des dizaines et dizaines de tête à tête qu'il a eus avec Jacques Chirac, il n'est strictement rien sorti
« C'est un boy-scout. Il a parrainé le Grenelle et dit qu'il serait jugé à l'aune d'une mesure essentielle qui serait la taxe carbone, et il a osé prétendre que le Grenelle était un succès.
Il y a quelque chose de pathétique à voir un homme sincère dire que les choses vont très mal, mais faire comme si on avait 500 ans pour régler les problèmes. »
Pour Fabrice Nicolino, « il y a plus de chance qu'Hulot se présente [aux primaires d'Europe Ecologie, et à la présidentielle, ndlr] que le contraire », mais peu importe puisque cet homme « nous fait perdre du temps ». Par exemple, en n'étant pas mobilisé contre les gaz de schiste.
FNE, des « fonctionnaires bénévoles »
France nature environnement (FNE), fédération de 3 000 associations de défense de la nature spécialiste des inventaires de la faune et de la flore, a surtout un penchant pour les Légions d'honneur, note l'auteur :
« Les militants se sont fait fonctionnaires bénévoles. Serviteurs de l'Etat sans toucher le moindre salaire. Ils ont commencé à siéger dans une infinité de commissions locales ès qualité. Commissions départementales des Carrières, de l'hygiène, de l'urbanisme, des déchets, des sites, etc.
Ils y sont encore, sacrifiant nombre de soirées à ce qui ressemble furieusement à de pures et simples chambres d'enregistrement. »
Sans compter que le financement de FNE, publique à 65%, n'a rien pour assurer son indépendance.
« Qui a tué l'écologie ? » laissera sans aucun doute quelques traces dans le monde écolo. Comme l'écrit David Naulin sur le blog CDurable :
« Votre nouveau livre brise surtout toutes mes certitudes et je gage qu'il va provoquer le même électrochoc auprès d'un certain nombre de mes lecteurs. »