Ministre des affaires européennes jusqu'en juin, Laurent Wauquiez avait dressé un bilan flatteur de la façon dont le gouvernement du conservateur Viktor Orban a mené sa récente présidence de l'Union européenne (UE) : Budapest, disait-il dans l'hebdomadaire hongrois HVG, "a administré la preuve qu'elle méritait sa place au coeur de l'Europe".
Accueillant, fin juin à Budapest, le premier ministre chinois Wen Jiabao, M. Orban a pareillement vanté les vertus de son pays, qui offre aux investisseurs, dit-il, "le système politique le plus stable d'Europe".
Mais à quel prix pour la démocratie ?
Depuis son élection triomphale, en avril 2010, avec une majorité des deux tiers, l'ancien opposant au régime communiste, qui avait courageusement exigé, en 1988, le départ des troupes soviétiques, bâtit à marche forcée, sous le nez de Bruxelles, un modèle totalement étranger aux valeurs de l'Europe : une économie encadrée et des libertés restreintes. Un modèle qui trouve son inspiration à Pékin ?
S'y ajoute un nationalisme d'autant plus vif qu'il a été blessé par la perte des deux tiers du territoire hongrois, en 1920, à cause du traité de Trianon imposé par les vainqueurs de la première guerre mondiale. Dans le discours officiel, cette amputation est "la plus grande tragédie de la Hongrie moderne" - sans commune mesure, est-on prié de croire, avec l'extermination de plus de 400 000 juifs et Tziganes hongrois en 1944.
En un an, la liste est longue des initiatives conçues à Budapest qui devraient singulièrement inquiéter les Européens. Cette semaine encore, le gouvernement Orban a fait voter des lois attentatoires aux libertés publiques : travail obligatoire et sous surveillance policière pour les allocataires sociaux, allongement de la garde à vue et nouvelles restrictions imposées aux adversaires politiques.
Cela vient s'ajouter à nombre de décisions déjà prises et tout aussi contestables : encouragement de tendances irrédentistes chez les minorités magyares des pays voisins ; réduction drastique des pouvoirs de la Cour constitutionnelle ; loi sur les médias destinée à les mettre au pas ; une Constitution dont le préambule ouvre la voie au révisionnisme en faveur du maréchal Horthy, le Pétain hongrois.
M. Orban n'a cure des critiques, acerbes ou modérées. Devant les militants de son parti, le Fidesz, il s'est félicité d'avoir "envoyé des baffes" aux eurodéputés. La Hongrie rejette toutes les critiques. La seule dirigeante étrangère a avoir publiquement manifesté un début d'inquiétude est la secrétaire d'Etat américaine. En visite à Budapest, après Wen Jiabao, Hillary Clinton a incité "nos amis hongrois" à garantir une Constitution "qui reflète leurs propres valeurs démocratiques et les valeurs européennes".
Il est étonnant que les autres membres de l'Union n'aient pas encore réagi. Etonnant qu'ils n'aient pas compris que ce qui se passe à Budapest est indigne de l'Europe.
16 juillet 2011
La Hongrie ? Un Etat autoritaire au coeur de l'Europe - LeMonde.fr
via lemonde.fr
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