Recensé : Politix, n°90, 2010/2, « Frontières d’humanité »
Depuis les réflexions liminaires de Georg Simmel, pour qui « toute frontière est un événement psychique, ou plutôt sociologique » [1], les sciences humaines et sociales ont porté une attention particulière aux frontières. Mais, tandis que les mécanismes régissant les frontières de groupes, qu’ils soient sociaux ou ethniques, sont aujourd’hui bien connus [2], les frontières d’humanité restent, elles, relativement inexplorées. Le plus souvent, leur étude s’est bornée à un travail de discrimination entre catégories prédéfinies et stabilisées – la culture et la nature, l’humain et le non-humain – laissé à l’anthropologie fondamentale. Déterminer ce qui est spécifiquement humain et ce qui ne l’est pas fut l’une des principales préoccupations tant de Claude Lévi-Strauss que de Bronislaw Malinowski [3], et, avant eux, d’Emmanuel Kant dans son Anthropologie du point de vue pragmatique.
Cette question mettant en jeu la définition de l’objet même des sciences humaines, le renouvellement de ces dernières a logiquement conduit certains auteurs – tels que Philippe Descola, Luc Boltanski ou Bruno Latour [4] – à s’interroger plus spécifiquement sur les modalités de fixation et d’évolution, selon les sociétés et les situations, des frontières de la commune humanité. Tout l’intérêt du dossier du numéro 90 de la revue Politix est justement d’expliciter les enjeux et les apports de ce passage d’une étude des frontières d’humanité théorique et normative à une approche plus pragmatique et descriptive, attentive aux modalités ordinaires selon lesquelles les acteurs eux-mêmes déterminent ce qui est humain et ce qui ne l’est pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire