A l'occasion de la journée mondiale des statistiques du 20 octobre, retour sur cet étrange phénomène en vertu duquel, entre la réalité et l'image que l'on s'en fait, il existe un facteur trois : selon que vous serez syndicaliste ou ministre, pêcheur ou commissaire européen, vous verrez simple ou triple…
Pour la journée mondiale des statistiques - c'est aujourd'hui 20 octobre -, je pense qu'il serait important que, au moins en France, on réfléchisse au nouveau sens que vient de prendre la vieille règle de trois. Celle-ci a longtemps fait transpirer des millions d'élèves, et une certaine proportion d'entre eux - un tiers ? - n'est jamais parvenue à la maîtriser. Par chance, depuis début octobre, tous ces rebelles à la logique arithmétique disposent d'un moyen mnémotechnique imparable pour effectuer un rattrapage éclair.
En effet, chacun aura pu observer que, pour obtenir le nombre de manifestants dans la rue, le nombre de lycées mobilisés ou le nombre de stations-services dépourvues de carburants, il fallait multiplier par trois les chiffres officiels si vous vous rangez dans le camp de ceux que l'actuelle réforme des retraites révulse. Ou diviser par trois ceux des contestataires si vous faites partie de ceux qui la jugent inévitable. En d'autres termes, entre la réalité et l'image que l'on s'en fait, il existe un facteur trois, sorte de constante de Planck[1] de la vie sociale qui va nous permettre de simplifier radicalement bon nombre des difficultés que beaucoup d'entre nous, un jour ou l'autre, auront pu rencontrer dans leur quotidien. Vous avez du mal à suivre ? Alors voici quelques exemples.
Vous êtes pêcheur. La Commission européenne vient de vous imposer un quota drastique de thons rouges. Pas de problème, chacun a compris que, en réalité, vous pourrez multiplier par trois la prise effective sans sortir des clous.
Vous êtes syndicaliste dans la Fonction publique. Le secrétaire d'Etat avec lequel vous négociez les hausses de traitement vous annonce le chiffre de progression l'année passée du pouvoir d'achat des fonctionnaires que vous représentez. Pas de problème, vous divisez par trois le chiffre indiqué pour retomber sur votre propre constat.Vous allez acheter votre baguette de pain quotidienne chez votre boulanger habituel. Elle a encore augmenté de 10 centimes et vous vous en étonnez. Le boulanger vous répond que la farine a pris 30 % de hausse, qu'il a donc dû augmenter ses prix, mais que, soucieux de sa clientèle, il a pris soin de ne répercuter que le tiers de cette hausse et que lui saurez gré d'avoir appliqué cette règle de trois. Mais pas de chance : vous savez que le coût de la farine ne constitue qu'un sixième du prix de vente du pain et vous avez compris que, en réalité, votre boulanger vient d'augmenter sa marge de 30 %.
Vous êtes climato-sceptique. Les climatologues vous disent que, si nous ne réduisons pas des trois quarts nos émissions de gaz à effet de serre dans les quarante ans, c'est la cata assurée. Pas de souci, un quart suffira largement.
Vous êtes ministre des Finances. Bruxelles vous cherche des poux sur la tête en soulignant que vous n'arriverez jamais à ramener votre déficit public en 2013 sous la barre des 3 % du PIB. Pas de difficulté, vous multipliez par trois le rythme de croissance économique annuel prévu d'ici là et vous calmez vos interlocuteurs.
En réalité, tout cela est vieux comme le monde. Le Tiers-Monde comprenait en réalité trois fois plus gens que le reste du monde. Les trois mousquetaires étaient en fait quatre : un tiers de plus. Et la sainte Trinité comprend un Dieu en trois personnes. Va falloir vous y faire : c'est la règle de trois qui, dans un sens ou dans un autre, gouverne le monde. Vive la journée de la statistique.
Denis Clerc | Article Web - 20 octobre 2010
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24 octobre 2010
La nouvelle règle de trois
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