Dans la 4e de couverture de son livre (voir ici et aussi http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2011/118/deutsch.htm ), David Deutsch précise que les anciennes façons de se représenter le monde ne pouvaient, au contraire de la science, corriger leurs erreurs. Les idées en découlant demeuraient donc statiques pendant des siècles. Reposant sur de mauvaises explications, elles avaient peu de portée et n'étaient guère utilisables, y compris dans leurs applications pratiques. L'apparition de la science, sous la forme symbolisée par le terme d'Enlightment (Les Lumières) a marqué la fin, tout au moins dans les sociétés s'y référant, de ce que l'auteur nomme des théories « de clocher » (parochial) incapables d'évoluer. Les Lumières ont initialisé pour la première fois dans l'histoire humaine, une ère de création continue de connaissances, de plus en plus rapide et dotée de portées de plus en plus grandes. Ce processus trouvera-t-il des limites ou pourra-t-il s'étendre à l'infini? Autrement dit les méthodes scientifiques pourront-elles créer un champ illimité de connaissances et de savoir?
La conviction de l'auteur le porte à une réponse affirmative. Tout le livre constitue un vibrant plaidoyer pour la méthode scientifique. Nous ne pouvons que le suivre dans cette conviction. Encore faut-il, dans l'esprit même de cette méthode, critiquer en permanence les doctrines philosophiques qui pour des raisons diverses en limitent la portée. Le livre commence donc par l'énumération de telles doctrines. Il mentionne l'empirisme, pour qui les théories scientifiques, autrement dit les tentatives d'explication ou de compréhension du monde, dérivent par déduction ou induction des messages des sens. Or la nature ne comporte pas de « faits » qu'il suffirait de lire. L'expérience ne peut donc être seule à la source des théories. Celles-ci sont des conjectures ou suppositions faites par le cerveau. L'expérience ne sert qu'à les mettre à l'épreuve et à retenir celles qui sont les plus pertinentes. Certes l'empirisme et l'inductivisme qui en découle ont représenté un grand progrès par rapport aux descriptions dogmatiques du monde, mais ils ont fait oublier que la science moderne se construit bien au delà des messages des sens. De plus ces doctrines postulent que le futur sera (probablement) semblable au passé. Ce que précisément dément tous les jours l'expérience.
Pour proposer de nouvelles explications du monde, il faut faire acte de créativité. La créativité est une propriété essentielle de l'humain. David Deutsch consacre de longs développements destinés à comprendre comment elle l'est devenue. Pour lui, elle est entrée par la petite porte, si l'on peut dire. Les cerveaux des préhumains, pense-t-il, se sont développés du fait des efforts mis par les jeunes et les dominés pour comprendre les intentions profondes des dominants, au lieu de se borner à des imitations automatiques. Ce ne fut que bien plus tard que ces mêmes cerveaux ont tenté de comprendre, au delà des apparences, ce que pouvaient être les intentions, si l'on peut dire, de la nature. La créativité suppose, pour progresser, le faillibilisme, c'est-à-dire la conviction que les hypothèses ou conjectures proposées sont nécessairement fausses mais peuvent être améliorées en continu par la critique, de nouvelles conjectures et le recours à l'expérience permettant de départager les hypothèses.
Certes, la créativité des humains n'a pas attendu les Lumières pour s'exprimer. Pendant des centaines de millions d'années de lents progrès se sont fait, à l'occasion (comme nous l'avons nous-mêmes rappelé dans « Le paradoxe du Sapiens ») de la symbiose de fait s'étant établie entre les composantes biologiques de l'homme (ou bio-anthropologique) et les outils et instruments se développant en parallèle. Mais ce progrès a été freiné par la soumission aux autorités ou aux Anciens. La science moderne n'a pu s'épanouir que dans la rébellion. Il s'agit là d'un message très politique que nous retrouverons nécessairement aujourd'hui.
La rébellion, facteur indispensable du progrès scientifique, doit d'abord s'exercer à l'encontre des formes aujourd'hui dominantes prises par les théories scientifiques mais aussi et tout autant à l'encontre des critiques non-scientifiques et partisanes s'exerçant à leur égard. Dans tous les cas, comme indiqué précédemment, les nouvelles formes issues de la rébellion intellectuelle contre les autorités ou les modes doivent être testables pour être crédibles. Autrement dit, les théories doivent faire des prédictions susceptibles d'être démontrées comme fausses, ou falsifiables, selon le terme de Popper.
10 juin 2011
Chroniques vers l'infini. 1. Sur les théories scientifiques - le blog philoscience
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