03 mai 2013

L’indécence commune | Causeur

 En 1848, la IIe République n’a que quelques mois, mais la Révolution de 1848 et le « Printemps des peuples » semblent déjà bien loin ; déjà, avec le « parti de l’ordre » à droite et les socialistes à gauche, une nouvelle fracture politique se dessine ; tout oppose les deux camps, à l’exception d’une chose : le rôle prépondérant qu’ils accordent à l’État. Frédéric Bastiat, lui-même élu1 avec la majorité républicaine modérée de 1848, résume le danger en une phrase : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »2
Ce que Bastiat pressent, dès ce milieu du XIXe siècle, ce sont les prémices de notre État-providence moderne. Déjà, il a compris ce qu’il adviendrait de la solidarité entre les hommes si elle était administrée par l’État ; déjà, il dénonce les effets pervers de ces groupes de pression qui cherchent à attirer les faveurs de la puissance publique ; déjà, enfin, il anticipe la conséquence ultime de l’irrésistible ascension de la social-démocratie : « Une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice. »3
Qu’avons-nous fait depuis soixante ans ? Nous avons « fait du social » – « social », cet étrange adjectif qui, pour paraphraser Friedrich Hayek, a acquis la propriété de dénaturer les noms qu’il qualifie. Qu’est-ce que le droit social ? Le remplacement du droit par la coercition.
Qu’est-ce que la propriété sociale ? Ni plus, ni moins que l’abrogation de la propriété. Qu’est-ce que la liberté sociale ? Le principe qui permet de priver des individus de leur liberté au profit d’une chimérique liberté collective. Qu’est-ce, enfin, que la justice sociale ? L’idée selon laquelle vous et moi sommes en droit de vivre aux crochets de nos voisins.



L’indécence commune | Causeur

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