La semaine prochaine, la protection légale du médicament le plus rentable de toute l'histoire s'achèvera, après quinze ans de bons et loyaux services. Les scientifiques l'appellent Atorvastatine, les Américains Lipitor et les Français Tahor. Cet anticholestérol puissant a sauvé des millions de cardiaques dans le monde et rapporté 100 milliards de dollars à son propriétaire, le laboratoire américain Pfizer. Comme il est d'usage, la fin d'un tel brevet signifie la marginalisation, voire la disparition à terme du médicament et de ses revenus plantureux. Le scénario est désormais bien huilé, les fabricants de copies génériques sont déjà prêts à entrer en scène pour le grand bonheur des assurances sociales du monde entier, qui paieront désormais de 50 % à 80 % moins cher ce produit essentiel. Rien qu'en France, le médicament a coûté près de 460 millions d'euros l'an dernier à la Sécurité sociale !
Mais la fin du Lipitor n'est pas qu'une aubaine pour les finances publiques et un casse-tête pour son concepteur. C'est aussi le symbole de la fin d'un monde, et pas seulement dans la pharmacie.
La fin d'un monde simple où un médicament de masse peut répondre à un problème de masse. Où la chimie permet de reproduire à l'infini et à peu de frais une molécule synthétisée en laboratoire. Où la prospérité d'une entreprise intégrée et monolithique peut reposer sur une poignée de best-sellers mondiaux.
Sous la pression conjuguée des bouleversements économiques, technologiques, sociaux et démographiques, ce confortable ordonnancement disparaît dans les sables de ce début de XXI e siècle. Les pays émergents s'invitent comme clients mais aussi comme concurrents. La biotechnologie remplace la chimie comme mode de synthèse et de fabrication. Les traitements se personnalisent face à des malades de plus en plus âgés et des maladies toujours plus complexes.
La réponse des laboratoires tient en deux mots : diversification des sources de revenus et individualisation de la réponse et du rapport aux clients.
Finalement, cette mutation n'est pas propre à la pharmacie. Dans l'automobile, la distribution ou les cosmétiques, les défis sont les mêmes. C'est ce qui fait la difficulté de nos nouveaux temps modernes. D'autant que deux obstacles se dressent sur la route. La capacité des Etats à financer tout ou partie de cette coûteuse mutation et une exigence d'éthique et de transparence de la part de consommateurs citoyens désormais à l'affût.
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25 novembre 2011
Les labos des temps modernes PAR PHILIPPE ESCANDE - LES ECHOS
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