Le chiffre de 1 million de logements manquants ne correspond à aucune réalité (SIPA)
Les prix en France commencent à baisser dans onze régions sur vingt-deux. Une baisse raisonnable - de l’ordre de 5% - qui intervient après une hausse des prix de 140% en douze ans. Cette "bulle immobilière" aurait été provoquée, nous disent depuis quelques années tous les experts, par une pénurie de logements.
Selon eux, la France ne construirait pas assez. Et chaque année, notre déficit, qui est la différence entre besoins démographiques et logements construits, s’aggraverait. Au point qu’il manquerait, aujourd’hui, entre 800.000 et… un million de logements… Un million de logements manquants ? A voir.
Un chiffre repris, sans réfléchir
S’est-on jamais interrogé sur l’origine de ce chiffre ? Il est pourtant repris régulièrement par les spécialistes du secteur, les politiques et les journalistes -Challenges compris - sans qu’il soit examiné de près et surtout, remis en cause. En juin dernier, par exemple, François Hollande déclarait vouloir combattre la pénurie de logement en mettant sur le marché "un million de logements nouveaux" lorsqu’il serait président. L’association Abbé Pierre chiffre à 800.000 le nombre des personnes "aux portes du logement".
Quant au spécialiste français de l’étude scientifique du marché du logement, le professeur Mouillart, de l’Université Paris-Ouest, il estime qu’après 30 ans d’insuffisance de construction, "le déficit atteignait 970.000 logements en 2010". Là encore, le million !
Deux millions de logements vides
Mais s’il manque un million de logements en France, comment, dans ce cas, expliquer qu’il existe aussi, au même moment, plus de deux millions de logements vides ? Car les statistiques officielles sont sans appel : sur les 33 millions de logements en France, près de 2,5 sont déclarés inoccupés. Et ce chiffre des logements vides a augmenté de plus de 400.000 en dix ans ! Si notre pays a des besoins croissants qui ne sont pas satisfaits, comment expliquer, dans ce cas, cette augmentation ? "Il y a différentes raisons pour qu’un logement soit considéré comme vide : il est en cours de vente, de mise en location, en attente d’occupation, en rénovation…" explique Jean Perrin, président de l’UNPI, union nationale des propriétaires immobiliers. "Et puis, ajoute-t-il, il faut tenir compte des besoins, qui ne sont pas les mêmes partout. Paris est sous pression, tandis qu’à Saint-Etienne, où la demande est faible, les délais de relocation atteignent presque un an…"
Des statistiques pitoyables
Le chiffre d’un million de logements manquants peut aussi s’expliquer par les erreurs, parfois grossières, de l’INSEE. L’institut de la statistique, qui fournit pourtant à nos politiques les éléments nécessaires pour décider de la politique nationale du logement, ne s’est pas vraiment pris la tête pour faire ses prévisions dans ce domaine. Sa dernière grosse étude sur le sujet date de 1993 : depuis, les données sont actualisées et, surtout, corrigées.
Car l’institut se base pour ses prévisions, sur un scénario pour le moins anachronique : celui d’un maintien à un haut niveau de la création de ménages sur la période en cours, puis d’un fléchissement pour la période suivante. Rien à voir avec la réalité, qui témoigne d’une croissance démographique forte et d’une augmentation régulière du nombre des ménages au cours des trente dernières années.
Du coup, de 1990 à 2009, toutes ses prévisions sur les besoins de ces nouveaux ménages sont fausses et sous-estimées de 50.000 à… 90.000 par an ! En 2007, l’étude du statisticien de l’Insee Alain Jacquot estimait par exemple la demande de nouveaux logements entre 265.000 et 283.000 par an sur 2005-2009. Or, sur la période, le nombre de créations de résidences principales a dépassé les 330.000. 50.000 à 70.000 de plus… Notre principal instrument de mesure, l’Insee, est donc incapable de prévoir nos besoins !
Le million, une invention ?
Dernier argument pour comprendre que ce chiffre d’un million n’est sans doute qu’un mythe : la densité dans les habitations. En dix ans, la population française a augmenté de plus de 3 millions. Si nous avions un manque cruel de logements, les ménages devraient donc compter, en moyenne, plus d’individus. Or, c’est le contraire qui est arrivé : entre 1999 et 2008 (derniers chiffres connus), la taille moyenne des ménages français est passée de 2,4 à 2,27 personnes.
Elle a diminué car les nouveaux ménages ont trouvé à se loger ailleurs ! Nous avons donc suffisamment de logements en France. Du coup, il apparaît aujourd’hui de plus en plus que ce concept du "million de logements manquants" n’était qu’une façon commode de justifier… la hausse des prix !
Eric Tréguier
17 février 2013
La vérité sur le manque de logements en France - Challenges
via challenges.fr
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