La lecture d'articles médicaux peut parfois susciter le même sentiment d'étrangeté et d'épouvante qu'un épisode de "X-Files", de "Bones" ou des "Experts". Des médecins finnois signent dans le Journal of Burn Care & Research une troublante publication, mise en ligne le 22 janvier, intitulée : "La combustion humaine spontanée à la lumière du XXIe siècle".
Ce phénomène rare, abordé par Dickens (Bleak House, 1853) et Zola (Le Docteur Pascal, 1893) bien avant les scénaristes des séries américaines, est évoqué lorsque certaines parties du corps sont retrouvées réduites en cendres alors que d'autres sont préservées. Malgré l'absence d'une source de chaleur évidente à proximité du cadavre, il ne reste souvent rien du thorax, de l'abdomen et du bassin, tandis que la tête, les bras, les mains, la partie basse des jambes et les pieds sont largement indemnes, les chaussettes et les chaussures pouvant rester en parfait état ! Curieusement, l'environnement immédiat de la victime calcinée est quasiment intact. Surtout, il n'existe aucun signe d'agression ou de mise en scène d'un acte criminel.
Les docteurs Virve Koljonen et Nicolas Kluger, de l'université d'Helsinki ont recensé les articles parus ces onze dernières années sur la combustion humaine spontanée. Ils ont sélectionné et analysé cinq publications relatant 12 cas dont la majorité en France. Les victimes, souvent des fumeurs et des alcooliques, étaient âgées de 44 à 74 ans. Huit d'entre elles étaient des femmes. Un des 12 cas, survenu en Auvergne, a été publié dans le Journal of Forensic Sciences, en septembre 2011, par le professeur Gérald Quatrehomme, responsable du laboratoire de médecine légale et d'anthropologie médico-légale de l'université de Nice.
"COMME UNE BOUGIE"
Il s'agissait d'un homme de 57 ans, vivant seul, fumeur et alcoolique, se chauffant avec un poêle à bois. Ce qui restait du corps gisait près d'une pile de journaux à peine jaunis, d'une chaise de paille en parfait état et de bouteilles en plastique légèrement déformées. Les murs et le mobilier étaient recouverts de suie. De la graisse humaine liquide se trouvait près du corps calciné. Le taux d'alcoolémie de la victime était de 3,2 g/l. L'absence de suie dans les bronches à l'autopsie indique que l'homme n'avait pas inhalé de fumée, donc qu'il était déjà mort quand la combustion s'est déclarée.
De plus, contrairement à ce que l'on observe en cas d'intoxication par inhalation de fumée dans un incendie, aucune trace de carboxyhémoglobine dans le sang n'a été mise en évidence. "Le processus d'autocombustion survient généralement après le décès. Plus rarement, il débute lorsque la victime est encore vivante. On retrouve alors de la suie dans la trachée à l'autopsie, et une concentration sanguine significative de carboxyhémoglobine et de cyanure", ajoute le professeur Quatrehomme. Dans ce cas, "un handicap ou une alcoolémie élevée empêche la personne de fuir, d'appeler les secours ou d'éteindre le feu". L'autopsie ou les antécédents médicaux de la victime conduisent le légiste à conclure, sans certitude, que la mort est due à une crise cardiaque, une crise d'épilepsie ou encore à un accident vasculaire cérébral.
Selon le docteur Cristian Palmiere, du Centre universitaire romand de médecine légale de Genève, "tout se passe comme si le corps brûlait comme une bougie, la graisse humaine étant la cire tandis que les vêtements enflammés et imbibés de graisse servent de mèche. Ayant pris feu, les vêtements brûlent la peau qui, une fois carbonisée, se fissure. La graisse sous-cutanée s'écoule alors, entretenant le long processus de combustion. Elle ne brûle que lorsque sa température atteint au moins 250 °C". Les parties du corps les plus calcinées sont celles qui renferment d'abondantes quantités de graisse.
En définitive, la combustion humaine ne frappe pas au hasard et surtout n'a rien de spontané. Elle suppose l'existence d'une source de chaleur extérieure, même si cette dernière, dans le cas d'une cigarette ou d'un cigare, peut disparaître lors de la carbonisation du corps, ce qui ajoute un peu plus au mystère. C'est l'extinction de la combustion qui survient de manière spontanée, au moment où la graisse vient à manquer.
A ce jour, reconnaît le professeur Quatrehomme, "il est encore difficile d'expliquer comment se produit l'ouverture cutanée par laquelle s'écoule la graisse humaine. Nous manquons peut-être de travaux expérimentaux pour démontrer la théorie de l'"effet mèche"". Sans doute aussi de volontaires pour donner leur corps à la science.
02 mars 2012
La combustion humaine spontanée, sujet brûlant - LeMonde.fr
via lemonde.fr
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