On parle de goodwill pour une entreprise qui fait de la croissance externe, qui acquiert d’autres sociétés. Ce terme anglais désigne une survaleur (un écart d’acquisition) : il mesure la différence entre le prix d’acquisition et la « vraie valeur supposée » de la société acquise. Ce « plus » intègre les synergies futures, son capital humain, sa position concurrentielle et d’autres éléments immatériels, et il est inscrit à l’actif du bilan. J’achète cette entreprise 100, mais elle vaut 150, et j’en suis tellement certain que j’inscris 150 à l’actif de mon bilan, dont 50 de goodwill donc.
Le fait que la plupart des mégafusions se terminent piteusement (Mercedes/Chrysler, BMW/Rover, AOL/Time Warner, Alcatel/Lucent, etc.) ne change rien à l’affaire, une acquisition se traduit toujours par un goodwill ! C’est de la « pensée magique ».
Dans le passé, les goodwills pouvaient concerner de l’immobilier demeuré dans le bilan de la société à sa valeur d’acquisition, la survaleur était alors parfaitement justifiée. Mais désormais, avec les nouvelles normes comptables de Fair Value (comptabilisation à la valeur du marché) ce genre de bonne surprise n’a plus cours. Ne restent alors que des éléments immatériels que le marché n’aurait pas correctement évalués (marque, part de marché, synergies).
Une remarque : si les marchés étaient efficients, les goodwills n’existeraient pas (la prise en compte de l’ensemble des informations disponibles par les intervenants empêcherait toute sous-évaluation des actifs), mais ceux qui croient à l’efficience des marchés sont les mêmes que ceux qui croient aux goodwills ! Le goodwill c’est « vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » et sa disparition (la société achetée est simplement inscrite à l’actif à son coût d’acquisition) constituerait une saine décision.
Evidemment en période de croissance soutenue et régulière, ces survaleurs logées dans les bilans ne posent pas de problèmes. Il en va tout autrement lors d’une récession où les acquisitions – souvent surpayées et en partie avec de l’endettement – doivent faire l’objet de révisions douloureuses.
La dépréciation des goodwills n’a pas eu lieu depuis la crise de 2008… On peut mesurer leur ampleur, selon une étude PwC, les goodwills représentent, pour les entreprises du CAC 40, 43 % de la valeur totale de leur bilan ! Presque la moitié du bilan des entreprises du CAC 40 (dont des banques) est bidon, artificiel, construit sur une croyance autoréalisatrice ! Et un jour ou l’autre il faudra revenir sur terre, la récession arrive et cela deviendra inévitable. Voici – encore ! – une nouvelle bombe pour alimenter la crise financière.
L’ingénierie financière et comptable complètement déconnectée de la réalité est en train de tuer le capitalisme de l’intérieur.
26 octobre 2011
Les goodwills : l'autre bombe financière | Atlantico
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