Les premières plantes à coloniser la Terre ne se sont pas contentées de donner un peu de couleur à un paysage terne. Elles ont aussi considérablement accéléré la décomposition naturelle des roches, rafraîchi l'atmosphère, provoqué une extinction massive de la vie océanique et surtout déclenché une ère glaciaire majeure. Ce sont les conclusions d'une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Geoscience mercredi 1er février.
Il faut retourner entre – 488 et – 444 millions d'années, au moment de l'Ordovicien. La concentration de CO2 dans l'atmosphère variait entre 14 et 22 fois le niveau actuel, et la température moyenne du globe était environ 5°C plus élevée qu'aujourd'hui. Les modèles climatiques suggèrent que les larges glaciations ne pouvaient avoir lieu à cette époque, sauf à voir les niveaux de CO2 chuter à environ 8 fois les taux actuels — l'effet des gaz à effet de serre sur le réchauffement planétaire était moindre à l'époque dans la mesure où l'activité solaire était 6 % plus faible qu'aujourd'hui.
Néanmoins, durant une période de dix millions d'années, survenue de manière soudaine il y a 460 millions d'années, la Terre a connu deux grandes glaciations. Une grande partie du supercontinent Gondwana, notamment des zones qui sont aujourd'hui en Afrique et en Amérique du Sud, a été couverte de glace, entraînant une extinction massive d'espèces qui avaient prospéré dans les mers peu profondes.
Selon l'étude de Nature, dirigée par Tim Lenton, géologue à l'université d'Exeter en Grande-Bretagne, la cause du déclenchement de ces glaciations serait à chercher du côté de l'évolution des plantes terrestres, qui auraient causé l'altération chimique de la surface de la Terre, modifiant le cycle global du carbone et par la suite le climat.
Les chercheurs ont modélisé la situation de l'époque, en recouvrant des roches de mousse et en les faisant incuber pendant trois mois. En grandissant, les plantes ont altéré les roches silicatées, comme le granite ou le basalte, et libéré des ions calcium et magnésium. Ces ions auraient alors réagi avec le carbone atmosphérique et auraient été précipités en roches carbonatées. Un autre processus parallèle et similaire aurait été à l'œuvre : les plantes auraient extrait le phosphore et le fer des roches, qui, une fois les mousses mortes, se seraient retrouvés dans la mer. Cette hausse des nutriments aurait alors alimenté la croissance du plancton, des organismes microscopiques qui séquestrent le carbone pendant leur croissance avant de finalement l'emporter sur le fond marin quand ils meurent, sous forme de roches.
Résultat : la concentration en CO2 dans l'atmosphère aurait chuté à environ 8,4 fois celle observée aujourd'hui (de 390 ppm), soit un taux suffisant pour déclencher une glaciation majeure.
"Notre découverte confirme que les plantes jouent un rôle central dans la régulation du climat. Elles l'ont fait hier, elles le font aujourd'hui, et elles le feront certainement à l'avenir", indique Liam Dolan, un membre de l'équipe. Toutefois, prévient Tim Lenton, les plantes ne pourront pas faire chuter de la même façon, aujourd'hui, les concentrations en carbone dans l'atmosphère : "Les plantes ne peuvent pas suivre le rythme des changements climatiques provoqués par l'homme aujourd'hui. Il leur faudrait des millions d'années pour absorber les émissions actuelles de carbone dans l'atmosphère."
02 février 2012
Les premières plantes ont plongé la planète dans l’âge de glace | Eco(lo)
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