30 avril 2013

« Meilleur restaurant du monde » grand prix de la tourista internationale

Après les cas d’accidents sanitaires survenus ces dernières années à El Bulli, table expérimentale du célèbre Ferran Adria, à Rosas, en Catalogne, au Fat Duck, de Heston Blumenthal, à Bray-on-Thimes, près de Londres, puis au Noma, à Copenhague, du chef René Redzepi, tous les trois consacrés « meilleur restaurant du monde » par la revue britannique The Restaurant Magazine, nous aurions pu croire que le groupe Nestlé, promoteur financier de ce classement, aurait mis un bémol à la pantalonnade.

Mais non, tout va donc pour le mieux dans le meilleur immonde. L’édition 2013 de cette forfaiture médiatique voit le triomphe du Celler de Can Roca, des frères Roca, près de Gerona, en Catalogne, une table se revendiquant de la cuisine « techno émotionnelle » utilisant des additifs chimiques dans ses préparations.      


Les lauréats de cette année se sont spécialisés dans la recherche des phénomènes olfactifs de l’univers alimentaire. S’inspirant du travail des grands parfumeurs tels que Dior, Chanel, Hermès ou Mugler, les frères Roca font appel à des procédés d’extraction aromatique et de concentration de saveurs obtenus grâce à un appareil du nom de Rotaval. Ce distillateur de parfums à basse et haute température permet en effet de décupler les odeurs d’un aliment et de composer ainsi un « gastrOpera » nasal. Autant dire que les cuisines de nos trois alchimistes du soufflé aux cèpes sans œuf ni farine à la fumée de bois de sapin, plat fétiche de la maison, ressemblent à s’y méprendre à un laboratoire de physique nucléaire. Le journaliste allemand Jörg Zipprick se souvient encore de sa nuit médicalement assistée après un mémorable dîner au Celler de Can Roca.

Ne doutant de rien, le jury de ce prodigieux classement a tout de même accordé la deuxième place au Noma de René Redzepi, malgré l’accident sanitaire survenu en mars dernier. La quatrième place a été attribuée au restaurant basque Mugaritz, à Renteria, près de San Sebastian, dont les clients finissent parfois leur dîner aux urgences pour cause d’intoxication. Pour ne rien gâcher, l’anglais Heston Blummenthal, lauréat 2008, dont 529 clients avaient été intoxiqués après un repas moléculaire en février 2009, se retrouve pour sa part en 7e position.

Arborant tous fièrement leurs trois étoiles au guide Michelin, ces restaurateurs, si l’on peut les appeler ainsi, ont en commun leur fascination pour les agents chimiques moléculaires dont les combinaisons non contrôlées ont parfois des effets digestifs très fâcheux sur la santé. Sur la sellette : les alginates (E401), les celluloses plus ou moins méthylées (E461), les amidons transformés (E1142), le monoglutamate de sodium (E621), les carraghénanes (des polysaccharides extraits d’algues servant d’agent épaississant E407 et de stabilisant E450 qui permettent de former des gels à chaud), le xantana (E415) et l’azote liquide dont ces plasticiens d’art alimentaire imbibent généreusement leur salmigondis. C’est-à-dire une cuisine ne nécessitant pas de produits agricoles frais.
 
On ne peut donc que se réjouir qu’aucun restaurant français n’ait jamais figuré dans les dix premières places, mais loin derrière. Ouf ! Le plus étonnant dans cette mascarade reste tout de même l’attitude des médias. Aucune objection à ce qu’un jury improvisé, sans aucune légitimité professionnelle, réuni par une publication gastronomique financée par un géant de la chimie alimentaire comme Nestlé, via son eau minérale San Pellegrino, décide d’instituer un classement annuel des 50 meilleurs restaurants du monde.

Tout cela est parfaitement légal. Ce qui choque dans cette affaire est l’engouement avec lequel la presse, les radios, les journaux télévisés, le web et tous les moyens de communication planétaires s’empressent de relayer la nouvelle sans prendre une once de recul et sans faire un seul instant état des dessous réels et avérés de cette formidable intox médiatique.

Consacrerait-on meilleur avion du monde un modèle qui s’écraserait à tout bout de champ ou meilleur architecte du monde celui dont les immeubles s’effondreraient à la moindre bourrasque ? Étonnante époque où l’on trouve normal de fouiller le compte en banque d’un parlementaire jusqu’au dernier centime, mais où l’on ne s’insurge pas qu’une gargote ayant empoisonné 63 clients deux mois auparavant arrive deuxième des meilleurs restaurants du monde. À croire que Findus, Spanghero et les abattoirs roumains ont encore de l’avenir. À bon appétit, salut !
« Meilleur restaurant du monde » grand prix de la tourista internationale

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