06 mai 2011

Deux regards sur l'empathie - le blog philoscience


Certains commentateurs se sont étonnés en constatant comment, à l'occasion du récent séisme au Japon, beaucoup d'Européens qui n'éprouvaient jusque là que peu d'intérêt pour les Japonais se sont émus de voir les personnes et les biens emportés par milliers du fait du tsunami. Il semblerait que ces images, pourtant lointaines, suscitent chez le témoin un sentiment de souffrance et de sympathie partagé qui trouverait ses racines très loin dans le psychisme. Il en serait de même d'ailleurs de toutes les images de désastre et de mort que les médias, en d'autres occasions, se hasardent à présenter. L'effet de telssujets est d'ailleurs si fort que ces mêmes médias, d'un commun accord, préfèrent des thèmes plus riants.

Ceci rajeunit une vieille question: l'humain, présenté comme indifférent aux autres, voire porté au rejet agressif, serait-il « naturellement bon », ou plus exactement serait-il naturellement capable de comprendre et partager les sentiments de ses semblables, autrement dit éprouver de l'empathie?

La réponse peut paraître évidente. L'humain est fondamentalement un être social, communiquant par de multiples voies avec ses voisins. Il est donc génétiquement et culturellement « programmé » pour partager des états de conscience communs inspirés notamment par la survenue de situations à risques. Ceci n'est pas spécifique à l'humanité, puisque l'on observe des phénomènes semblables dans la plupart des sociétés animales, voire dans toutes les espèces biologiques.

On peut d'ailleurs faire valoir qu'à l'inverse du partage de « bons » sentiments, les sentiments de rejets collectifs de l'autre, voire de haine et d'agressivité, peuvent aussi très facilement se mutualiser dans un groupe. Les exemples en ont été et en demeurent encore nombreux.

Aussi, la lecture du livre récent de Jeremy Rifkin « Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l'empathie, 2009 » ( traduction française: Les liens qui libèrent, avril 2011) peut-elle susciter le doute. Nous avons nous-mêmes beaucoup de sympathie sinon d'empathie pour Jeremy Rifkin. Non seulement il s'agit d'un auteur sincèrement europhile, mais de plus ses divers ouvrages ont toujours mis en évidence, avec quelques mois ou années d'avance, les difficultés naissant de l'évolution du monde moderne et les solutions susceptibles de leur être apportées. Ceci notamment dans les domaines du travail, des biotechnologies, de l'énergie.

Mais peut-on conclure comme il le fait, en observant le rôle joué en ce sens par les technologies de la communication en réseau, que l'altruisme et la coopération soient en train de devenir de véritables normes autour desquelles se construirait le monde de demain? Il serait certes rassurant que puisse en découler, comme il le dit, un véritable altruisme cosmopolite? Mais ne voit-on pas déjà des tendances inverses se mettre en place, utilisant les réseaux pour promouvoir des sociétés fermées sur elles-mêmes, excluant autrui ou diffusant, ce qui est bien pire, des consignes de guerre ethnique ou religieuse? Le phénomène apparemment mineur qu'est le harcèlement par Internet auquel se livrent de jeunes enfants et que cherche actuellement à combattre l'Education nationale fournirait un argument de plus pour ne pas céder à l'optimisme naïf.

Posted via email from hypha's posterous

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